La mine de Sisson est une catastrophe annoncée. Barrez-lui la route!
Chaque été, je vais pêcher la truite dans la rivière Nashwaak. En fait, je vais surtout dans l’un de ses affluents. C’est un système relativement sain, sans grande digue, et l’eau y est fraîche et propre. Je connais quelques bons coins, et même les mauvais jours, j’arrive généralement à ramener un ou deux poissons.
En juin, il y a beaucoup de truites de mer, mais je suis tout aussi heureux d’attraper des poissons résidents. Je les taquine brièvement, les dépose délicatement dans mon filet, puis je les tiens dans l’eau juste un instant avant de leur rendre leur liberté. Ils sont magnifiques et innocents, et mes furtives rencontres avec eux me remplissent toujours d’une joie simple, mais profonde.
Dans peu de temps, mes enfants seront suffisamment grands pour lancer leur ligne. Mais, ce qui est plus important encore est qu’ils auront l’occasion de découvrir la magie des poissons sauvages dans un écosystème sain. Je m’imagine leur enseigner ces merveilles sur ce petit affluent de la rivière Nashwaak. Or, ce rêve est actuellement menacé parce que quelqu’un a décidé que les poissons sauvages et leur habitat étaient remplaçables — ou, du moins, échangeables contre quelques emplois.
Je ne dresserai pas ici la liste de toutes les raisons pour lesquelles le simple fait de construire la mine de Sisson serait un désastre écologique. Vous pouvez les trouver vous-même en faisant un peu de recherche. Je me contenterai de relever que l’ancien gouvernement du premier ministre Stephen Harper a fait tout ce qu’il a pu pour stimuler des projets miniers insignifiants tels que celui-ci. Ce gouvernement a réduit à néant des dispositions de l’importante Loi sur les pêches prises pour protéger l’habitat des poissons, soit les ruisseaux et les cours d’eau, tels que le Napadogan et le Sisson, qui alimentent la rivière Nashwaak.
Fort heureusement, une loi déposée devant le Sénat fédéral a permis de remédier à cette situation. Si nous y sommes parvenus, c’est grâce aux efforts inlassables de groupes de conservation d’un bout à l’autre du pays, dont font partie le Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick et la Fédération du saumon atlantique, pour ne citer que ces deux exemples parmi tant d’autres. Si aucune loi ne permettra de protéger l’ensemble de nos cours d’eau et de nos plans de pêche préférés, il n’en reste pas moins que la législation joue un rôle primordial à cet égard. Il a, du reste, fallu que la Loi sur les pêches soit démantelée pour qu’un projet tel que celui de la mine de Sisson puisse voir le jour.
Photo credit: En août 2014, une énorme brèche sur le site de la mine du mont Polley a entraîné l’écoulement de 24 millions de mètres cubes d’eaux usées dans les rivières et les lacs environnants. À ce chapitre, le Canada détient le deuxième record mondial : au cours des dix dernières années, non moins de sept déversements de résidus miniers connus se sont produits au Canada, soit un de moins qu’en Chine, qui arrive en tête de liste.
Je ne dresserai pas non plus la liste des conséquences d’une défaillance du bassin de résidus de la mine de Sisson. Nous nous souvenons tous de ce qui s’est produit au mont Polley. En août 2014, une énorme brèche sur le site de la mine du mont Polley a entraîné l’écoulement de 24 millions de mètres cubes d’eaux usées dans les rivières et les lacs environnants. Or, il faut savoir qu’à ce chapitre, le Canada détient le deuxième record mondial : au cours des dix dernières années, non moins de sept déversements de résidus miniers connus se sont produits au Canada, soit un de moins qu’en Chine, qui arrive en tête de liste.
C’est pourquoi je vous supplie aujourd’hui de vous demander comment nous avons pu laisser un projet aussi atroce aller si loin. Depuis des générations, les Néo-Brunswickois chassent, pêchent, récoltent des fourrages et prennent du bon temps dans le bassin hydrographique de la Nashwaak. Pourquoi courrons-nous alors le risque de voir nos enfants privés de leur héritage naturel?
Parce qu’on n’a jamais cessé de nous répéter la même histoire sur les ressources naturelles et la prospérité économique; on nous l’a répétée tellement de fois que nous avons fini par y croire. Cette histoire est assez simple : la destruction de nos ressources naturelles est peut-être malheureuse, mais elle est nécessaire au « progrès » et au « développement économique ». Or, de plus en plus de Néo-Brunswickois constatent que cette histoire est erronée. Il est maintenant temps d’en raconter une nouvelle.
Parce qu’il existe des moyens d’exploiter les ressources naturelles sans provoquer la destruction permanente de la biodiversité et de l’habitat des animaux sauvages. Il existe aussi des chemins vers la prospérité économique qui ne nécessitent même pas l’exploitation de ressources. Dans ce domaine, nous pouvons avoir le beurre et l’argent du beurre. Et nous n’avons pas besoin de chercher bien loin pour trouver des exemples qui illustrent cette théorie.
Lorsque les promoteurs de la mine de Sisson nous disent que ce projet est un bon moyen, voire le seul moyen, d’obtenir la prospérité économique, ils partent du principe que nous sommes suffisamment crédules pour croire ce genre de fable. Ils tentent de nous convaincre qu’il n’y a pas de meilleures options. Il est grand temps que nous élevions la voix pour leur prouver qu’ils ont tort.
Les Néo-Brunswickois sont intelligents, créatifs et dynamiques. Nous méritons de faire un travail dont nous pouvons être fiers; nous méritons d’avoir non seulement des emplois pour nous aujourd’hui, mais aussi pour nos enfants, demain. Nous avons le droit de prendre notre propre avenir économique en mains. Nous habitons dans une magnifique province qui recèle des ressources naturelles précieuses. Et il existe bel et bien un moyen de bénéficier d’une économie saine en protégeant ces ressources au lieu de les détruire.
L’exploitation de la mine de Sisson est prévue pour 27 ans. Ensuite, elle laissera simplement une cicatrice béante et hideuse dans la terre, après avoir dévasté l’habitat des poissons et des animaux sauvages et provoqué d’innombrables tragédies écologiques. Et les emplois auront, eux aussi, disparu. Les adversaires de la mine se rendent bien compte que ce projet n’en vaut pas la peine, surtout qu’il existe de meilleurs moyens de créer des emplois. Libérés de la hantise des scénarios obsolètes, ils réclament un avenir plus prometteur et plus durable.
Je tiens à ajouter que la truite n’est pas le seul poisson que je pêche dans la rivière Nashwaak. Chaque année, j’attrape, en effet, un nombre surprenant de saumons. Une petite population de saumons sauvages de l’Atlantique continue de frayer dans les affluents de la Nashwaak. Si les bonnes personnes font ce qu’il y a à faire et que les bons facteurs se mettent en place, cette population pourrait se reconstituer. Rien ne l’en empêche.
C’est ce genre d’espoir qui stimule les travaux de conservation; l’espoir qu’un jour, mes enfants ne pêcheront pas seulement la truite, mais aussi le saumon, dans la Nashwaak. Il y a de l’espoir pour le saumon, et aussi pour le Nouveau-Brunswick. Mais, nous avons besoin de bonnes raisons de garder espoir. Et la mine de Sisson n’en fait pas partie.