Fredericton – Les biologistes, les groupes de chasseurs, pêcheurs et autres groupes de loisirs de plein air s’unissent pour appeler à l’interdiction des pesticides en forêt, et ce en envoyant aujourd’hui une lettre au ministre des Ressources naturelles du Nouveau-Brunswick, Paul Robichaud. La lettre, qui tente de faire le point sur les impacts de l’utilisation des pesticides en forêt, a été signée par Central NB Quality Deer Management Association, la Fédération de la faune du Nouveau-Brunswick, NB Outfitters Association, NB Professional Outfitters & Guides Association, New Brunswick Chapter of the Ruffed Grouse Society, Bowhunters of New Brunswick, Big Games Club of New Brunswick et le Conseil de Conservation du Nouveau-Brunswick.
Les pesticides tuent les feuillus, les arbustes et les herbes, détruisant la source de nourriture et l’habitat de nombreuses espèces dépendant de la forêt, y compris le chevreuil, ce qui préoccupe le biologiste spécialisé Rob Cumberland.
“L’utilisation des pesticides dans nos forêts nous est présentée comme la seule solution mais ça ne l’est pas. C’est le moyen le plus profitable pour l’industrie forestière affamée d’enlever les feuillus concurrents. Par le passé, des équipes de réduction enlevaient les feuillus au Nouveau-Brunswick, et c’est ce qu’ils font aujourd’hui au Québec. Dans un climat où notre province se bat contre l’exil des travailleurs qualifiés vers l’ouest, nous trouvons incroyablement ironique que le gouvernement du Nouveau-Brunswick refuse de maintenir une technique d’enlèvement des feuillus qui créerait des emplois bien rémunérés au Nouveau-Brunswick, et qui n’impliquerait pas ces menaces pour la santé et ces atteintes à la biodiversité causées par les pesticides,” dit Cumberland qui est préoccupé par le fait que le gouvernement du Nouveau-Brunswick continue à défendre les pesticides en forêt. Il estime qu’il y a des effets évidents de l’utilisation des glyphosates Vision de Monsanto dans les forêts du Nouveau-Brunswick depuis 20 ans.
L’industrie forestière et le gouvernement répliquent face aux inquiétudes des biologistes, défenseurs de l’environnement et citoyens en affirmant que seulement 1% de la superficie de la forêt est pulvérisée chaque année. Cependant, 1% représente en fait 13,000 hectares par an – ou près de 26,000 acres. “Du point de vue d’un chevreuil, une acre de terres qui se régénèrent peuvent produire entre 20,000-40,000 tiges de feuillus, ce qui équivaut à une tonne de nourriture pour chevreuil par acre. Les chevreuils en consomment en moyenne 2 kg par jour. Par conséquent, l’épandage de pesticides élimine 26,000 tonnes de nourriture pour chevreuil par an dans les forêts de la Couronne. Et vous vous demandez pourquoi il y a des espaces désertés par les chevreuils sur les terres de la Couronne?” dit Cumberland. Selon les chiffres de Cumberland, durant les 20 dernières années le programme d’épandage d’herbicides a éliminé près d’un demi-billion de tonnes de nourriture pour chevreuil et orignal des forêts publiques.
“Maintenant que les chevreuils ont été contraints vers les terres privées où de la bonne nourriture pousse, les grandes compagnies forestières pensent qu’elles peuvent couper à blanc le reste des forêts matures qui font partie des terres publiques constituant le jardin protégé des chevreuils” dit Cumberland.
L’herbicide le plus utilisé en forêt au Nouveau-Brunswick, le glyphosate, est actuellement soumis à l’examen à Santé Canada. “La ré-évaluation des glyphosates a été initiée à la suite d’un nombre de plus en plus important d’études scientifiques qui montrent les effets toxiques des glyphosates à l’égard de nombreuses espèces incluant les humains. C’est pourquoi le CCNB estime qu’il faudrait appliquer le principe de précaution dans ce domaine. Les résultats de l’examen canadien seront publiés dans le courant de cette année,” dit Tracy Glynn, la directrice de la campagne forêt du Conseil de Conservation du Nouveau-Brunswick.
Si l’objectif de convertir 28% de notre forêt en plantations est maintenu dans les 50 prochaines années, les Néo-Brunswickois vont devoir débourser plus de 600 millions de dollars envers l’industrie des pâtes et papiers, selon les chiffres du ministère des Ressources naturelles qui incluent le coût de l’épandage, à raison de $1000 par hectare.
“Nous nous devons de changer ça. Nous devons retourner consulter la Loi sur les terres et forêts de la Couronne et nous assurer que non seulement les revenus des propriétaires, en l’occurrence nous, mais aussi tout ce qui vit dans les forêts de la Couronne est protégé pour nos enfants et petits-enfants,” dit Charles Theriault, qui réalise un documentaire à propos de la mauvaise gestion de la forêt qui cadre avec les expériences des Néo-Brunswickois. Les différents épisodes ainsi qu’une pétition pour rouvrir la Loi sur les terres et forêts de la Couronne peuvent être trouvés sur son site internet, notreforetest-ellelanotre.com
Le Nouveau-Brunswick est le seul à utiliser des fonds publics pour l’épandage de produits chimiques sur ses forêts publiques. La Nouvelle-Écosse a annoncé récemment qu’elle ne financerait plus la pulvérisation d’herbicides sur ses forêts et qu’elle réduirait les coupes à blanc de 50%. Le Québec a interdit la pulvérisation d’herbicides sur toutes ses forêts publiques en 2001. “Si ce pesticide est si sûr, est-ce que quelqu’un peut m’expliquer pourquoi autant de gouvernements et organisations abandonnent son utilisation, ” dit Cumberland.
Le Nouveau-Brunswick pulvérise des herbicides sur ses forêts depuis 1970, au moment où les entreprises de pâtes et papiers furent autorisées à couper les forêts naturelles à blanc pour les remplacer par des plantations. Les pulvérisations ont lieu un ou deux ans après la plantation. Les herbicides sont pulvérisés à raison d’une ou deux fois pour empoisonner les feuillus et les sous-bois qui entrent en compétition avec le bois d’œuvre planté en termes d’espace et de nutriments. La pulvérisation a lieu en août et en septembre de chaque année et dure environ 40 jours.
“En 2011, 4000 Néo-Brunswickois ont signé une pétition pour dire non à la pulvérisation de nos forêts. Cette pétition était la troisième pétition contre l’épandage d’herbicides présentée à l’Assemblée législative dans la dernière décennie. Au cours des années, les vieux peuplements d’épinettes et de sapins, les magnifiques érables et les crêtes de bouleaux ont été coupés à blanc, pulvérisés d’herbicides et remplacés par des plantations d’arbres. Nous sommes en train d’anéantir la diversité de nos forêts, mais il n’est pas trop tard pour restaurer la forêt, la faune et des emplois bien rémunérés,” dit Glynn.