Les estuaires et les marais salants

Un habitat marin important du Nouveau-Brunswick

Nous nous employons à protéger ces importantes aires d’alevinage pour les poissons, les crustacés et les oiseaux côtiers et hauturiers.

On reconnaît depuis longtemps la valeur écologique et économique des marais salants.  À l’instar des lits de zostères et des bancs d’huîtres, les marais salants font partie des habitats marins les plus importants du monde. Ils constituent des aires d’alevinage vitales pour les poissons, les crustacés et les oiseaux côtiers et hauturiers. Les marais salants recyclent les nutriments nécessaires aux plantes et aux animaux, servent à stabiliser les sédiments et à réduire l’érosion, et protègent les collectivités humaines des effets des marées de tempête et de la montée du niveau de la mer. Ce sont généralement des importateurs nets de nutriments en été, lorsque les herbes croissent. En hiver, ce sont des exportateurs nets.

Les côtes du Nouveau-Brunswick s’étendent sur 2 269 km, les marais salants représentent huit pourcent (8 %) de tous les types d’habitats côtiers (par ex., plaines estuariennes, mares salines, dunes, plages, îles) (Hanson et Calkins, 1996).

Saints Rest Marsh, photo by Nick Hawkins

Non moins de 65 % des marais salants du Nouveau-Brunswick ont disparu durant les 300 dernières années (Environnement Canada, 1987; Groupe national de travail sur les terres humides, 1988). À l’origine, cette disparition était due à la conversion extensive des marais salants en terres agricoles, par la construction de digues, plus particulièrement dans la partie supérieure de la baie de Fundy.

Depuis le début des années 1990, l’attrait de l’océan a attiré une population croissante dans les régions côtières, plus particulièrement dans le Sud?Est du Nouveau-Brunswick. Les étroites plages de sable chaud et la proximité de l’une des régions à la croissance la plus rapide du Nouveau-Brunswick (la région de Moncton/Dieppe) ainsi qu’un programme provincial de marketing touristique ont fait de la côte est et sud-est du Nouveau-Brunswick l’une des destinations touristiques les plus populaires du Nouveau?Brunswick (Milewski et Harvey, 2001). Résultat : une explosion du développement des résidences/cottages, des marinas, des projets éco-touristiques et d’autres infrastructures humaines le long de la côte est du Nouveau-Brunswick.

En 2005, le Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick a réalisé un sondage concernant trente marais salants établis le long de la côte est du Nouveau-Brunswick entre Point Escuminac et Cape Jourimain. L’objectif de ce sondage était de cerner le type et le degré global de perturbation humaine pour chaque marais salant et d’évaluer les possibilités de restauration.

Restaurer les huîtres

Au cours des 50 dernières années, la production d’huîtres naturelles, qui était autrefois un domaine dans lequel le Nouveau-Brunswick était le chef de file dans les Maritimes, est devenue aujourd’hui une ressource sur le point de disparaître des estuaires du Nord et de l’Est du Nouveau-Brunswick. Aujourd’hui, des centaines de lits et de bancs d’huîtres sont enterrés sous des kilomètres de sédiments et les lits existants sont menacés du même sort. Ce à quoi il faut ajouter le déversement majoritairement non réglementé de nutriments en provenance d’une multitude de sources; il n’est donc pas étonnant que l’écologie de certaines baies soit condamnée à passer de la diversité biologique à un simple écosystème dominé par des algues annuelles, des méduses, des bactéries et des vers (Milewski et Chapman, 2002).

Le fait que les populations d’huîtres naturelles n’aient pas réussi à se remettre des effets de l’épidémie de la maladie de Malpèque des années 1950 n’est pas passé inaperçu auprès des gestionnaires des ressources provinciaux et fédéraux.  Au lieu de remédier aux répercussions des techniques de pêche et des sous-produits du développement humain sur les lits d’huîtres, ces gestionnaires ont délaissé la récolte des huîtres sur les lits naturels au profit de l’élevage des huîtres. Ce faisant, les efforts scientifiques, auparavant axés sur la restauration, la relance et l’importance écologique des lits ou des bancs d’huîtres naturels, se sont concentrés sur des sujets liés à l’aquaculture, comme l’approvisionnement en semences d’huîtres, les nouvelles technologies de production de semences, les techniques de culture, le contrôle des prédateurs et de la maladie et le génie génétique. Cette approche technique, qui consiste à cesser de restaurer les populations sauvages au profit de l’aquaculture, semble être maintenant le principal outil politique utilisé pour remédier au déclin des espèces.

Les politiques doivent s’attaquer aux véritables coûts
Depuis ses débuts au Nouveau-Brunswick, il y a plus de trente ans, l’aquaculture a été considérée par tous les paliers de gouvernement comme un tremplin économique pour les régions menacées par des fluctuations saisonnières en matière d’emploi et le déclin des pêcheries traditionnelles. Le saumon atlantique, le bar rayé, l’esturgeon, la morue et les huîtres ne sont que quelques-unes des espèces qui ont connu un effondrement de leur population au cours des dernières décennies et font maintenant l’objet d’une recherche et d’un développement aquacoles intensifs.

Il faut tenir compte des véritables coûts (économiques, sociaux et écologiques) de l’industrie aquacole lorsqu’on élabore des politiques et des règlements pour l’industrie. Ce n’est que lorsque les épidémies et les conflits liés aux nouveaux sites ont frappé l’industrie de la salmoniculture dans la baie de Fundy, la première incursion du Nouveau-Brunswick dans l’aquaculture intensive à grande échelle, que l’on a commencé à développer des normes environnementales, des programmes de gestion et des politiques d’allocation de sites (Milewski et coll., 1997).

Les plans de gestion de la baie constituaient la pierre angulaire de cette politique d’allocation de sites pour la baie de Fundy. Élaborée 15 ans après le lancement de cette industrie, cette politique devait en faire une industrie durable. Des plans de gestion de la baie devaient servir à remédier aux problèmes de maladie et améliorer l’intendance environnementale ainsi que l’efficacité de la production afin de stabiliser l’industrie sur le plan financier. Or l’industrie de la salmoniculture continue d’être handicapée par des problèmes de maladie, des conflits concernant les nouveaux sites, la faiblesse des prix du marché et une intensification de la concurrence mondiale.  Et la salmoniculture du Nouveau-Brunswick est maintenant presqu’entièrement contrôlée par une seule entreprise : Cooke Aquaculture.

Elle dépend en grande partie de concessions publiques substantielles pour survivre. Ces concessions sont aussi bien financières qu’écologiques.  Une section de plus en plus grande de la zone côtière et des ressources de fiducie publique du Nouveau-Brunswick, soit les zones de pêche, l’habitat du poisson, la qualité de l’eau et la biodiversité, a été transférée à l’industrie aquacole (Harvey et Milewski, 2008).

Restauration et non pas substitution

En dépit des efforts considérables consentis pour remplacer ou substituer les espèces sauvages par des espèces d’élevage correspondantes, les populations des espèces décimées, comme le saumon et les huîtres, continuent de baisser, et les conséquences écologiques de ce déclin demeurent, dans la plupart des cas, ignorées.

Or, chaque espèce a un rôle écologique complexe à jouer dans l’écosystème. On ne peut pas répliquer ou imiter son rôle par une solution technologique comme l’aquaculture. Les huîtres et l’habitat qu’elles créent jouent dans l’écosystème un rôle structurel et fonctionnel plus important que leur abondance seule le laisse penser. L’habitat permanent créé par les huîtres a une valeur écologique pour un éventail incroyablement vaste d’espèces épibenthiques et benthiques évoluant dans un environnement qui, en l’absence d’huîtres, est en grande partie déstructuré et appauvri.

Vu le rôle essentiel que les huîtres jouent dans la santé des estuaires, et le fait que tous les estuaires affichent une baisse de production d’huîtres et de nombreuses espèces commerciales et non commerciales, un effort de restauration majeur des huîtres se justifie dans tous les estuaires. Cependant, ce travail de restauration doit s’accompagner d’un effort concerté de veiller à ce que des règlements et des lois soient appliqués pour protéger l’habitait des huîtres des sources de pollution terrestres et du développement côtier. Les huîtres sont plus qu’une ressource exploitable. En restaurant les lits et les estuaires d’huîtres, on créera des bienfaits qui rayonneront dans l’ensemble de l’écosystème.

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