La semaine dernière, l’Agence américaine pour la protection de l’environnement (EPA) a publié les résultats préliminaires de son étude sur les relations entre la fracturation hydraulique et l’eau potable. De nombreuses interprétations ont eu lieu, mais que révèle réellement cette étude?
Le rapport dit clairement que les activités de fracturation ont eu des “conséquences sur les ressources en eau potable, y compris la contamination des puits d’eau potable”, mais les chercheurs de l’Agence “n’ont pas trouvé de preuve que ces mécanismes ont eu des conséquences systématiques et généralisées sur les ressources en eau potable des États-Unis.”
Le fait de dire “n’ont pas trouvé de preuve” est clé. Cela ne veut pas dire qu’il n’y pas de pollution, mais seulement que l’Agence n’a pas pas pu trouvé de preuve avec les données qu’elle a obtenues et étudiées dans le cadre de cette étude. Lorsque les données ne sont pas collectées de façon adéquate, il n’est pas surprenant de ne pas trouver de preuve.
L’Agence elle-même affirme que le fait que l’on n’observe pas de conséquences généralisées pourrait être expliqué soit par l’absence de pollution soit par d’”autres facteurs limitatifs” – comme des lacunes dans les données qu’elle a été en mesure d’étudier.
En effet, comme l’agence de presse bénéficiaire du prix Pulitzer a reporté en mars 2015, “l’Agence américaine pour la protection de l’environnement n’a pas pu forcer la coopération des compagnies pétrolières et de gaz, puisque presque toutes ont refusé de leur fournir de l’information.”
Pendant la durée de l’étude, l’Agence a rencontré des lacunes dans les données de chaque domaine de recherche, y compris:
- les données de références de la qualité de l’eau,
- la fréquence des déversements de liquide de fracturation et d’eaux usées,
- la composition des eaux usées et des produits chimiques de fracturation,
- le nombre et l’emplacement des puits fracturés hydrauliquement.
L’Agence a mentionné ces lacunes dans son rapport, expliquant que “les limitations de données” qu’elle a rencontrées signifient qu’il est impossible de savoir avec certitude avec quelle fréquence les activités de fracturation hydraulique polluent l’eau potable aux États-Unis. Dans les jours qui ont suivi la publication du rapport, les partisans de la fracturation hydraulique ont utilisé ce manque de preuve comme gage que l’activité est sans danger alors qu’en réalité l’agence n’a fait que montrer que nous n’avons toujours pas assez d’informations fiables pour connaître avec certitude l’impact de la fracturation sur l’eau potable.
En communiquant avec les médias au Nouveau-Brunswick peu après la publication du rapport, Tom Burke, conseiller scientifique principal de l’Agence, a déclaré qu’il serait faux de penser que l’étude réalisée par l’Agence donne le feu vert aux activités de fracturation. “Non, cela n’a jamais été une étude menée pour déterminer si oui ou non la fracturation est sans danger,” explique Burke dans son interview du 11 juin. “Il s’agissait d’une étude visant à évaluer l’utilisation de l’eau et les vulnérabilités potentielles de nos ressources en eau potable.”
L’approche prudente des conclusions de l’Agence rejoint les rangs d’autres études sur la fracturation publiées durant l’année écoulée par le Conseil des académies canadiennes, la Commission de la santé de l’État de New York et le département de conservation de l’environnement de l’État de New York.
Le rapport du Conseil des académies canadiennes, commissionné par le gouvernement fédéral canadien, impliquait 14 experts et a déterminé, entre autres:
- qu’il n’y a pas eu d’investissement substantiel en recherche et surveillance des impacts environnementaux,
- que la contamination de l’eau engendrée par des fuites autour de forages mal scellés et la migration à travers les fractures géologiques constitue le plus grand risque de l’industrie,
- qu’il a un manque de connaissance des effets sur la santé et les conséquences sociales d’un tel développement.
Le département de la santé de l’État de New York et le département de conservation de l’environnement de l’État de New York ont tous deux publiés des comptes-rendus – respectivement en décembre et en mai – qui ont conduit le gouverneur de l’État de New York Andrew Cuoma a annoncer ses intentions de interdire la pratique, en affirmant:
- que l’eau potable peut être touchée par la migration souterraine de méthane et/ou de produits chimiques de fracturation associée avec la construction de puits,
- qu’il y aurait des conséquences sur la santé humaine et des coûts environnementaux intolérables, y compris la dégradation de la qualité de l’air et la possible contamination des eaux souterraines et de surface par la mauvaise construction de puits et les déversements chimiques.
Ces trois études traitent également des impacts sur les changements climatiques si on poursuit l’extraction des gaz de schiste et concluent que:
- les émissions de méthane augmentent les émissions de gaz à effet de serre et posent un problème pour l’extraction des gaz de schiste,
- si les investissements envers le gaz de schiste diminuent les fonds utilisés pour les énergies renouvelables, cela pourrait empirer les changements climatiques,
- les politiques dirigées vers la réduction substantielle des émissions de gaz à effet de serre concernent tous les combustibles fossiles, y compris le gaz naturel.
La semaine dernières, les pays du G7 – y compris le Canada – ont signé une déclaration afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre en abandonnant l’utilisation des combustibles fossiles avant la fin du siècle.
La commission chargée de réviser les conditions du moratoire sur la fracturation ici au Nouveau-Brunswick a un an pour faire le compte-rendu de ses recherches au gouvernement.
Le Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick espère que la commission sera à l’écoute et fera la rencontre des groupes communautaires locaux existant à travers la province, et plus spécialement ceux situés dans les régions impactées; qu’elle examinera la potentiel de création d’emploi générés par les investissements dans les programmes d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables; qu’elle communiquera avec les experts scientifiques, en particulier ceux impliqués avec le Conseil des académies canadiennes, la Commission de la santé de l’État de New York ainsi que notre médecin hygiéniste en chef.